Aujourd’hui, après presque 4 ans et après deux jours de dépaysement total au bord de l’océan, je parviens à écrire quelques mots à propos de mon hyperphagie mais ça n’a pas toujours été le cas. Je vous raconte tout depuis le premier jour. Oui mais l’hyperphagie, c’est quoi ?
Manger sans faim, plus que nécessaire, ne pas ressentir de sensation de satiété, ce n’est pas uniquement une fringale, ni de la gourmandise, mais c’est un trouble du comportement alimentaire.
A l’automne 2015, alors que je sortais d’une période de perte de poids (trop importante sur la fin) et surtout de quelques mois de grandes restrictions alimentaires. Je reprends la fac mais je change d’orientation, une nouveauté qui ne m’a pas du tout plus et qui a sans doute été également le déclencheur de cette période d’hyperphagie. Après des mois sans féculents, ni réels repas plaisirs, j’ai commencé ces fameuses crises d’hyperphagie : des moments dans la journée, la plupart du temps vers 16/17h, proche de l’heure du gouter, où j’avalais une quantité innombrable de petits biscuits, gâteaux, tranches de brioches, que des produits industriels, et ce sans jamais éprouver une sensation de satiété quelconque. Ces crises arrivaient au début lorsque j’étais seule chez moi, comme pour combler mon ennuie et ma solitude. Plus les jours passaient et plus les crises s’intensifiaient, de manière quantitative et répétitive. Je n’arrivais pas à savoir quelle était la cause de ces crises et je ne parvenais pas non plus à mettre un mot dessus. A ce stade-là, je ne savais pas ce qu’était l’hyperphagie, ni que j’en souffrais et encore moins que c’était un trouble du comportement alimentaire. Je voyais ça comme me gaver pour manger mes émotions. Toujours la solitude et l’ennuie, mes horaires de fac étant très légers, mais je commençais aussi à me dire que cette nouvelle orientation qui ne plaisait pas, qui me faisait me mettre la pression, ce sentiment que je n’y arriverai jamais était peut-être également lié à mes crises. Les premiers mois, ni mon copain, ni mes parents et ma sœur n’étaient au courant, je faisais ça dans leur dos, j’avais honte de ce comportement, honte d’avoir mangé autant alors que depuis deux ans j’avais entamé une perte de poids lentement pour me sentir mieux dans mon corps.
A la maison il y a toujours eu des tablettes de chocolat, des biscuits en tout genre, de la brioche à la crème 100% pur beurre, du Nutella et tout le tralala. Ma maman ne cesse d’en acheter lorsqu’elle fait les courses et les placards sont toujours bien remplis, on est généreux dans la famille et on ne manque jamais de rien. Mais j’aimerai tellement lui demander qu’elle n’en achète plus, j’aimerai aussi arriver à lui parler, à lui dire ce qu’il m’arrive. Les jours passent, je ne sais pas si on peut employer ce terme mais cette « déprime » liée à mes études est de plus en plus dure et les crises sont toujours présentes, il y a certains soirs, beaucoup de soirs où je saute le repas car mon estomac est beaucoup trop rempli à cause de tout ce que j’ai avalé avant, toutes ces choses en si peu de temps. Quand je repense à ces quantités affolantes que je pouvais ingérer, je me demande aujourd’hui comment c’est possible, mais si, ça l’était !
Début décembre, mon grand-père décède, le moral n’est toujours pas au beau fixe à causes de la fac mais là c’est la goutte d’eau. Je ne me sens pas de traverser la France pour son enterrement, je veux garder des bons souvenirs et je n’ai pas envie d’aller me morfondre davantage là-bas. Mes parents et ma sœur y vont, je reste seule pendant une petite semaine, le drame… Un énorme sentiment d’abandon m’envahit et durant ces quelques jours aucun repas n’en est un, tous deviennent des crises…
Arrive la période de noël et je la redoute tellement, les chocolats, je n’y tiens pas spécialement mais je sais que ça va être l’orgie. Comme souvent, comme un présentiment, je savais que j’allais craquer, je savais que la crise allait arriver, je sais ce que j’allais manger. Comme si ces crises soignaient mon mal être causé par ces crises elles-mêmes, un cercle vicieux. La période de noël passe, sans trop de détails les crises sont toujours autant présente, j’ai pris du poids, il n’a cessé d’augmenter durant ces 5 derniers mois. Je partais de très bas puisque j’étais aux alentours des 45/47 kg durant l’été (quasiment aucun féculent dans mon alimentation depuis le début de l’année et surtout du sport 7j/7).
En début d’année 2016, je me pèse et là c’est le choque, 56 kg. D’ailleurs ce jour-là, c’est aussi le jour où j’ai arrêté de me peser tous les jours. Ce qui m’a énormément fait de mal, ça a été le regard de mon copain qui m’a vu grossir en si peu de temps, son regard qui ne me regardait plus, plus de relations sexuelles, comme si mon corps le dégoutait, c’est ce que je ressentais à cette période-là. Mais c’est peut-être aussi ce qui m’a ouvert les yeux et m’a permis de lui en parler. A cette même période, en me baladant sur instagram je tombe sur le poste d’une fille qui parlait de son hyperphagie et c’est en le lisant que j’ai compris ce que j’avais. J’ai enfin mis un mot sur ce que je ressentais, sur ce qui me faisait du mal depuis plusieurs mois. Toujours du mal pour en parler à ma famille mais mes crises arrivaient de plus en plus lorsque j’étais avec eux, une boite de cookies sur la table terminée en un rien de temps, un paquet de brioche qui y passe pour le gouter avec ma sœur… Leur réponse : « vu le poids qu’elle pèse et le sport qu’elle fait, ça ne va rien lui faire, elle peut ». Non, peu importe le poids que je fais, cette relation avec la nourriture et ce comportement ni normal, ni sain. Et le fait d’avoir continué le sport est sans doute ce qui m’a sauvée aussi. Le fait d’en avoir parlé à mon copain était peut-être une solution, je lui demande de m’aider, de passer le plus de temps possible avec lui, d’éviter d’être chez moi, de manger chez moi, pour contrer cette solitude, cet ennui… Ce n’est pas facile, après chacune des crises je me dis que ça va aller mieux, que je vais repartir sur de bonnes bases et retrouver mon alimentation et mon comportement normal.
Depuis quelques jours j’ai créé un nouveau compte instagram que je nomme « nouveau départ 2.0 », mon premier était celui qui m’avait permis de perdre du poids pour me sentir mieux dans mon corps, et ce deuxième nouveau départ pour retrouver une relation saine avec la nourriture. J’ai réussi une première fois, je suis sûre d’y parvenir une deuxième. Je commence alors à poster mes repas et mes séances de sport, ce compte est secret, je ne veux pas que quelqu’un me reconnaisse, je ne partage ni des photos de moi, ni mon prénom… Je me dis que cette démarche va me permettre de trouver de la motivation et du soutien car à ce réseau social.
Les jours passent, les crises se suivent mais ne se ressemblent pas, parfois nombreuses, parfois moins, parfois grosses, parfois plus contrôlées… J’essaye, après chacune, de me dire que la prochaine sera le plus loin possible, j’essaye de me lancer des petits défis, parfois avec succès, parfois sans…
Au printemps, de la famille vient nous rendre visite pour plusieurs jours, je suis « contrainte » de me comporter bien à table et en dehors, mais c’est un mal pour un bien, je sais que cela pourrait me permettre de reprendre de bonnes habitudes. Tout se passent pour le mieux, on fait des crêpes, des gâteaux, on profite et je mange de tout, difficile de contrôler mes pulsions à certains moments face au sucré, mais c’est plutôt une petite victoire. A la suite de ces quelques jours, je décide de me mettre un coup de pied au c** et de reprendre les choses en main, de reprendre les bases. Des repas qui me font envie avec si je ressens l’envie et le besoin d’un petit plaisir à la fin, je me l’accorde (quelques biscuits Belvita, un morceau de fromage…). Mon deuxième objectif c’est de tenir 21 jours ainsi, éviter les crises mais me faire plaisir avec ce dont j’ai envie sur le moment tout en essayant de contrôler ces plaisirs. 21 jours parce qu’il parait que c’est au bout de 21 jours que l’on prend une habitude, et j’y crois. Je sais que je peux m’en sortir seule.
La fin de l’année de fac arrive, mes crises ont diminué, mais elles arrivent toujours à cause du stress, lorsque je suis seule, bref, mes émotions, toujours. Les examens de fin de semestre passent, et bizarrement, une fois l’année écoulée, le stress envolé, tout va pour le mieux, quasiment plus de crises, comme si toute cette année à la fac, en faisant des études qui ne me plaisaient pas, avait été la cause de ce comportement alimentaire…
J’ai réussi à diminuer les crises durant ses derniers mois, les plaisirs alimentaires émotifs à la fin de chaque repas mais aussi j’ai réussi à m’accorder un repos sportif dans la semaine, encore des petites victoires.
Je suis en vacances, pas de job étudiant cette année (j’ai travaillé tous les lundis durant l’année scolaire, ça aussi, pour essayer de m’occuper, d’être moins de temps chez moi…) car je pars en voyage linguistique mi-juillet à Malte et il faut que je prépare mon voyage. Pendant cette période de transition, je passe mes journées à cuisiner, avec plaisir et envie, de manière de plus en plus saine et équilibrée. J’appréhende tout de même mon séjour à Malte, je serai dans une famille, pas de contrôle de mon alimentation possible, peur de prendre du poids, de ne pas pouvoir faire assez de sport…
Le voyage à malte se passe plutôt bien, on mange dans la famille seulement les soirs, la cuisine est particulière, pas toujours très bonne, mais je mange ce que j’aime et ce que je veux. Pour le reste des repas, le matin je m’achète des fruits ou des smoothies, un peu de pain, des oléagineux… Et le midi, j’achète aussi quelques trucs ou alors je vais m’installer en terrasse d’un petit snack healthy, des salades composées qui me font chaque jour de l’œil. Quant au sport, je cours un peu, j’ai ma corde à sauter dans ma valise, et puis surtout je marche beaucoup. Je suis restée 3 semaines et le bonheur à la deuxième semaine, je trouve une salle de sport en face de l’école où je prends des cours d’anglais. L’abonnement n’est pas très cher pour les deux semaines qu’il me reste ici, et puis de toute façon c’est ce dont j’ai envie. Je m’inscris donc dans ma toute première salle de sport ! Finalement le séjour se passe bien, des petits plaisirs, parfois pas de faim à cause de la chaleur, je ne me prends pas la tête et je vis une très belle expérience personnelle, une première pour moi, loin de ma famille, et seule. Au retour du séjour, je repars en vacances en famille, tout se passe bien, mais pour mes grands-parents, cousins/cousines, etc, je suis constamment au régime parce que je fais attention à ce que je mange et parce que je ne mange toujours pas de féculents le soir, et peu le midi. J’ai énormément de mal à remanger plus de féculent (surtout le soir) car à cette période je pense que les féculents font grossir. Les crises se font de plus en plus rares. Mais à ce moment là je me dis que c’est humain de craquer devant des sablés maison, même s’ils sont 100% pur beurre, que ça arrive à tout le monde. Dans un coin de ma tête, toujours cette petite voie qui me dit d’un côté, vas-y fais toi plaisir, et une deuxième qui me dit ne mange pas tout, il y a quand même beaucoup de beurre et de sucre. Et comme à chaque fois, ces deux voix qui s’opposent, celle du plaisir et celle de la frustration…
La rentrée 2016/2017 arrive, deuxième année de fac à Lyon, et dernière année de licence. Durant toute l’année qui vient de s’écouler je me suis rendu compte que les études que j’entreprenais ne me plaisait pas, j’ai tout de même validé ma deuxième année de licence avec succès. Mais j’ai longtemps réfléchi à ce que je pourrais faire, si j’arrêtais cette licence d’espagnol qui me causait tant de mal… Mes parents m’ont convaincu de terminer de valider ma licence et de m’en donner les moyens pour les 8 mois restant. Mais avec cette rentrée, le stress est revenu, je sais que je n’aime pas ce que je fais, je sais que mes crises et ce stress sont très étroitement liés. Depuis que j’avais arrêté les cours, j’avais l’impression de revivre. Est-ce que tout va recommencer ? Est-ce que ça va être aussi intense ? Vais-je arriver à les contrôler ? Vais-je parvenir à les faire disparaitre définitivement ? Tant de question qui trottent dans ma tête.
L’année débute et se passe, je suis en cours avec une fille, Emilie, dont j’ai fait la connaissance l’an passé, je me suis peu intégrée car nous étions un petit groupe et les personnes se connaissaient depuis la première année (j’ai changé d’orientation après une première année LEA anglais/espagnol à St Etienne, je suis revenue à Lyon en deuxième année de LLCE Espagnol). Les études ne lui plaisent pas, je me dis qu’on va s’entraider, ça sera plus facile à deux. Je suis une bosseuse, sérieuse, je me donne les moyens de valider ma licence, j’ai peur, c’est dur, et si je ne réussissais pas, alors que je donne tout, alors que je me suis convaincue de faire cette dernière année. Les crises, de temps en temps, plus ou moins contrôlées selon les périodes, je remarque aussi que lors de certains examens, plus de stress donc plus de crises, et surtout lorsque mes règles arrivent, j’ai davantage faim, et c’est souvent pendant cette période hormonale que mes crises surgissent aussi. Et chaque jour sans crise est une victoire de plus ! D’ailleurs même les jours de crises, lorsqu’elles sont moindres ou lorsque je les contrôle, je me sens gagnante face à cette maladie. Parce que oui, c’est une maladie, c’est un trouble du comportement alimentaire, l’hyperphagie fait partie des TCA. Ça aussi, j’ai mis quelques temps à le comprendre et encore plus de temps à me l’avouer.
L’année passe et je la termine en validant ma licence après tant d’acharnement, tant de boulot et surtout une grande satisfaction, une grande fierté, j’ai toujours été au bout de ce que j’ai entrepris, que ça me plaise ou non, et ce jour-là, j’ai pleuré. Comme souvent depuis ces deux dernières années. Depuis que mes crises sont apparues, j’ai très souvent pleuré, avec le recul j’ai pensé avoir fait une « dépression » quant à ma formation, je n’ai jamais consulté, mais ce fut une période très difficile à vivre et chaque sentiment que je pouvais éprouver finissait toujours par des pleurs, bonheur, peur, énervement, stress… comme si tout ça m’avait rendu davantage sensible, comme si je n’arrivais plus à communiquer et que tout se traduisait par des pleurs… Et ce jour où j’ai validé ma licence, j’ai aussi pleuré, et surtout pensé à la fin de tout cet enfer, à la fin de toutes ces put*** de crises !
Fac fini, crises parties, ou presque ! Cet été, je repars à Malte mais cette fois ci, j’emmène Mathieu, à deux c’est mieux, enfin non, à deux c’est différent. Et depuis quelques mois, j’ai trouvé ce que je ferai à la rentrée, un BPJEPS double mention, pour devenir coach sportif. Ces dernières années c’est le sport qui m’a aidé, à perdre du poids, à évacuer tout ce qui me tracassait, à reperdre les quelques kilos causés par l’hyperphagie et surtout à m’aider mentalement. Le sport m’a tout apporté et je lui dois beaucoup, alors je veux aider les autres à être heureux grâce au sport, peu importe leurs objectifs, parce que oui, le sport rend les gens heureux ! Je suis pré inscrite depuis la fin du printemps, il y a des tests physiques et théoriques à la rentrée, j’ai tout l’été pour me préparer. J’ai un nouvel objectif qui me ravie. Le voyage à malte se passe à merveille, on court beaucoup, pas mal de renforcement musculaire, on fête nos anniversaires là-bas, on fait nos courses, on se fait des restos en amoureux, on visite, on marche beaucoup. J’ai tout de même eu quelques crises à cause de l’ennui, la chaleur énorme en journée nous contraignait de rester à la maison (on avait loué un Air Bnb) et après avoir lu, cuisiné un peu, rangé, bronzé, parfois l’ennui pointait le bout de son nez. Après coup, le fait de n’avoir aucun outil de mesure (balance culinaire, verre mesureur…), ne m’a pas aidé, aucune notion des quantités, et parfois aucune notion de satiété. J’aime mon corps, je me sens bien dedans, j’ai l’impression d’avoir reperdu les kilos repris durant ma grosse période de crise, comme quoi le corps est intelligent, il suffit de l’écouter et de lui donner ce dont il a besoin. Des lustres que je ne suis pas pesée, mais après des vacances en famille, le mois de septembre et les tests d’entrée à l’école arrivent, et pour cela la pesée sera obligatoire. Les tests de musculation dépendent de mon poids de corps alors le passage par la case balance se fait obligatoire… Un peu appréhendé, mais finalement surprise, je monte sur la balance et vois apparaitre le chiffre 50. Surprise, contente, tout un tas de sentiment, mais surtout fière du parcours accompli jusqu’ici.
L’épreuve des tests, je valide une première grosse partie mais il me reste un petit détail à accomplir pour parvenir à accéder la formation pour le double diplôme et ce petit détail est une seule et unique traction. Passer les tests trois fois pour parvenir à réussir cette traction, une grosse période de stress, je panique un peu à l’idée d’échouer, maintenant que j’ai trouvé quelque chose qui me plaisait, je crois que je ne m’en serais pas remise, si je n’avais pas pu faire ce dont j’avais tant attendu depuis ces derniers mois. Mais finalement c’est validé. J’ai hâte de commencer, la rentrée est fin novembre mais pour patienter je travaille à la caisse d’un centre commercial, les horaires sont énormément décalés et il m’est très difficile de trouver mes repères, j’ai faim quand c’est impossible pour moi de manger, et quand j’ai le temps, plus faim. Quelques crises liées à cela, mais j’essaye de gérer mes crises qui sont fortement moins conséquentes, et j’essaye de me tourner vers des aliments sains, non industriels.
Bizarrement, et depuis le début de l’apparition de mes crises, à chaque fois qu’elles allaient avoir lieu, je le savais, je le sentais, comme si c’était prédit, comme si je ne pouvais rien faire pour les empêcher. Et pendant ces crises c’était exactement la même chose, comme si je ne pouvais plus rien contrôler, comme si j’avais beau me dire non tu n’iras pas jusqu’au placard attraper la tablette de chocolat, le paquet de brioche, les biscuits au beurre, je n’arrivais plus à contrôler mes mouvements, comme si mon cerveau était lui-même contrôler par quelqu’un d’autre, par quelque chose qui voulait que je sois condamnée à manger, à me goinfrer, me gaver de toutes ces mauvaises choses qui me dégoutaient malgré tout, que je n’appréciais pas forcément…
La formation commence et je me dis que cette nouvelle orientation et vie qui commencent sont peut-être le remède à tout mes tracas. Et je l’espère vivement. Les premiers jours se passent à merveille, pas de crises, je suis vraiment fatiguée après chacune de mes journées, je dors comme un bébé (pendant la fac je faisais énormément d’insomnies, ne trouvait pas le sommeil ou alors parfois je n’étais pas assez fatiguée pour le trouver). Je suis contente, je commence vraiment à me dire qu’il m’aura fallu faire quelque chose dont j’avais envie et que j’aime vraiment pour guérir. Mais rapidement le rythme est dur à prendre et il m’arrive certains jours de manger à 11h30, d’autres jours à 14h, parfois à 12h30, je sais que mon organisme à besoin d’un vrai rythme, le même chaque jour, et quelques crises surviennent alors, elles restent beaucoup plus rares et beaucoup plus contrôlées. Depuis les derniers mois, je parviens davantage à me faire plaisir, et avec la dose de sport quotidienne qui m’attend chaque semaine, j’essaye d’augmenter la quantité de féculents que je mange le midi, c’est encore difficile pour moi le soir…
Je sens que j’améliore mon comportement de jour en jour mais les crises sont parfois toujours présentes à l’arrivée de mes règles, un stress ou une grosse contrariété. Je me dis que j’ai fait une énorme partie du chemin seule, mais que pour m’en débarrasser il serait peut-être temps de me faire aider, juste pour en finir avec cette saleté d’hyperphagie ! Je pense à l’hypnose, j’y crois alors je contacte une femme qui exerce près de chez moi, je ne parviens pas à l’avoir au téléphone alors je lui laisse un message vocal. Elle me rappelle mais je ne peux décrocher, on échange seulement par messages, elle voudrait m’avoir de vive voix pour en parler d’en un premier temps par téléphone mais nous n’arrivons pas à trouver un moment pour. Je finis par me dire que si ça se passe ainsi, c’est que ce n’est ce qu’il me faut, ce n’est pas ce que je dois faire à ce moment-là, que finalement la vie en décide ainsi, je n’ai peut-être pas besoin de cette aide, je m’en suis très bien sortie jusqu’à là, le chemin à été très long et périlleux et il le sera encore je le sais.
La formation se déroule à merveille, j’avais tellement peur que cela ne me plaise pas, j’aime le sport mais est-ce que j’aimerai l’enseigner ? Être le modèle de dizaine de personnes ? Moi, encore toute mini (oui, 22 ans), face à des personnes beaucoup plus âgées que moi, devoir leur donner des instructions, décider, agir en tant que professionnelle… Mais bien au contraire, même si toute la période de formation était dure, le rythme de l’école et du stage, les examens, les trajets, la charge de travail à réviser, je n’ai regretté mon choix à aucun moment (ou presque, toujours quelques moments de doutes et faiblesse, toujours…).
Toute au long de la formation j’ai réussi à augmenter les quantités de féculents au fil des repas, et surtout à les intégrer petit à petit lors des diners, une victoire de plus. J’ai enfin compris que c’était mon énergie première, et d’autant plus avec toutes ces heures de sport. Difficile de devoir manger autant, mais petit à petit, je réussi à l’accepter. Les premiers mois j’ai préparé mon premier marathon donc beaucoup de cardio, mais après 6 mois de formation, j’ai dû diminuer considérablement la course à pied au profit de la musculation et de l’haltérophilie… J’ai des tests à réussir en fin d’année 2018 et je me donne les moyens d’y parvenir. Besoin de manger toujours plus et surtout difficile de constater que je prends énormément de muscles et par la même occasion de poids. Nos tests finaux dépendent de notre poids de corps et on est contraint de nous peser quelques fois. Ma toute première pesée après celle des 50 kg me choque un peu, 56 kg, bon ok c’est après le repas, mais mon poids augmente au fil de mes séances de musculation, tout comme je le vois lorsque je me regarde dans le miroir… Je sais que c’est pour la bonne cause mais cette période de « prise de masse » et de donc de poids me fait repenser à ma prise de poids dû à l’hyperphagie, et par moment quelques crises réapparaissent. Mes crises sont vraiment contrôlées, j’arrive à me dire stop et surtout je commence à savoir reconnaitre ma vraie faim et « je mange mes émotions » dans ces périodes-là. Chaque jour depuis cet automne 2015 et une victoire de plus vers la guérison et chaque jour je me dis qu’un jour j’y arriverai, je parviendrai à en venir à bout, vraiment !
Mes dernières crises sont moindres, je suis tellement fière de tout ce chemin parcouru, quand j’y repense (et encore plus en écrivant ces lignes), j’ai l’impression d’être partie de si loin. Et comme souvent lorsque je sens qu’une crise arrive, j’essaye de m’occuper l’esprit, faire quelque chose, partir, ou boire une grande tasse de thé, mais parfois j’ai beau tenté de faire les choses pour l’éviter, au fond de moi je sais qu’elle est inévitable… Et finalement je l’écoute, et je mange quelque chose, le plus sain possible, mais surtout quelque chose qui me fait envie, avec l’objectif premier de ne pas dévorer le paquet mais plutôt dans l’idée de me dire « Ok mon coco, je t’ai donné ce que tu voulais mais on reste raisonnable, on en remangera plus tard… »
Aujourd’hui je me sens guérie, j’ai réussi à mettre des mots sur ce que j’avais, à en trouver les causes, à les voir venir, parfois à les éviter, parfois non, mais tout cet enfer (le mot est sans doute trop fort à présent mais à certaines périodes il était justifié) a laissé des traces, oui, comme tout ce qu’on traverse dans notre vie… Et ces traces, pour ma part c’est une crise, très rare, mais une crise quand même, de temps en temps, certes amoindrie, qui, pour la situation actuelle me laisse penser qu’on n’en guérit jamais vraiment, on apprend à vivre avec. Je suis restée toujours très sensible, de la joie, je pleure, énervée, je pleure, triste, je pleure aussi… C’est aussi quelques kilos, qui malgré mon métier et les nombreuses heures de sport journalières qui peinent à s’envoler, oui parce que ce n’est pas parce que je suis coach sportif que j’ai des tablettes de chocolat par exemple. Mais tout ça n’est plus rien, plus rien à coté de ce que j’ai vécu depuis bientôt 4 ans. Parfois je me dis pourquoi moi, qui n’avait jamais eu de soucis par rapport à mon alimentation auparavant, j’ai toujours mangé équilibré, gourmande et rondelette, et pourquoi je suis devenue comme ça, pourquoi les gens autour de moi n’ont aucun souci à manger seulement 3 carrés de chocolat sans finir la tablette, ou prendre un cookie sans terminer le paquet, pourquoi je ne suis plus comme ça moi ? Hein ? Et puis je me rends compte, finalement, que parmi toutes ces personnes autour de moi, je ne suis pas la seule, mais que beaucoup d’entre elles ne savent pas qu’elles en souffrent, elles ne savent d’ailleurs pas ce qu’est l’hyperphagie, et encore moins que c’est une maladie, un TCA… Mais peut être que certaines personnes liront ces longues lignes que j’ai réussi à rédiger, peut-être qu’elles se sentiront concernées, qu’elles sauront, elles découvriront, seront rassurées. Parce qu’aujourd’hui, l’hyperphagie fait partie de ma vie, mais pour que notre cohabitation se passe au mieux, j’ai décidé qu’elle serait mon amie.
M.
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